Entre Onzon et Langonand, le site de l'APPH de Sorbiers

Entre Onzon et Langonand, le site de l'APPH de Sorbiers

La Sarrazinière siège de mille mystères

 

Une roche géante du Stéphanien, chavirée là il y a 300 millions d’années. Une galerie creusée à ses flancs, en des temps immémoriaux. Des replis vulvaires accouchant, saison après saison, de beaux galets de gneiss. Une colline entrecoupée, par endroits, de remparts monumentaux et peut-être celtiques. Outre un pont de pierre bien las de supporter une voie antique. Telle est la Sarrazinière de Sorbiers (Loire), un site de patrimoine qui suscite l’intérêt croissant d’un public de passionnés. L’auteur, après avoir puisé à différentes sources documentaires, ne se cache pas d’avoir quelque peu cédé à son propre délire poétique.

Des abris sous roche inscrits à l’inventaire officiel

 

C’est dans les années 2000 que le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), à la demande du Ministère de l’écologie et du développement durable (MEDD devenu, depuis, Ministère de la transition écologique et solidaire), dressa, partout en France, des « inventaires départementaux des cavités souterraines - hors mines ». L’objectif principal de tels inventaires, doit-on préciser, est la prévention de certains dangers, à proportion desquels les pouvoirs publics peuvent, par la suite, mettre en oeuvre des Plans de prévention des risques naturels (PPRN).

Dans le département de la Loire, cet inventaire donna lieu à de fructueuses enquêtes auprès des communes et fut publié en octobre 2010. Sur la commune de Sorbiers, au lieudit « la Sarrazinière », furent repérés trois éléments, désignés comme « abris sous roche » ; l’un d’eux se trouvant gratifié, dans le rapport, de la photo d’illustration n° 12. Les données sont disponibles sur le portail georisques.gouv.fr

Depuis, le site répertorié parait ne pas avoir nécessité de mesure particulière de protection du public, si ce n’est, récemment, dans la même aire géographique, la pose de panneaux interdisant l’accès d’un pont ancien ; un édifice charmant, mais menaçant ruine. Sur place, d’ailleurs, l’intervention de l’autorité publique semble limitée par le fait qu’une vaste parcelle, boisée, reste la propriété d’un particulier. A flanc de la même colline, les dévolutions successives de propriété intervenues au fil des ans, dans le prolongement d’un leg consenti, jadis, par M. Hippolyte SAUZEA (1798 – 1883) aux hospices de Saint-Etienne, mériteraient, à elles seules, une vaste recherche documentaire, dont les ingrédients, a priori, ne manqueraient ni de piquant, ni de couleur locale. Avis, donc, aux amateurs !

 Aux ides de mars 2020, c’est-à-dire au moment d’une entrée subite des peuples de la Terre en incubation généralisée, des travaux de forestage faisant appel à de très gros engins motorisés ont mis en évidence, par d’inquiétants bouleversements de terrain, l’extrême vulnérabilité du site de la Sarrazinière ; un lieu de patrimoine qui revêt pourtant une importance culturelle considérable quoiqu’ insoupçonnée en général.  Alors que l’enjeu de dangerosité, tel que mesuré par le BRGM, s’était, en définitive, avéré inexistant, le plus grave danger qui s’annonce, dans l’immédiat, si nul n’y prenait garde, serait l’effacement radical d’un précieux vestige des temps anciens en Sud-Loire. 

  

Terrain de joyeuses aventures selon les enfants du village ?

 

Dame nature, au gré des saisons, se joue à loisir de notre vision comme au-travers d’un perpétuel kaléidoscope. Il en va de même avec les décors successifs que l’activité humaine vient y insérer avec plus ou moins d’habileté ou de bonheur. Il aura fallu, parfois, des siècles, voire plusieurs millénaires, pour que certains monuments ou artefacts des hommes marquent de leur puissante empreinte symbolique telle minuscule clairière au bout du monde. S’y trouvait-elle vaguement prédestinée par une ligne de partage des eaux, par une valeur singulière d’électromagnétisme, si ce n’est -certaines personnes peuvent plus ou moins le ressentir (* 1) - par des « synchronicités » gracieusement accordées à certains esprits réceptifs et novateurs … ou pas du tout ?  

Pour le cas, à la Sarrazinière, il aura fallu un bien singulier concours de circonstances pour qu’à tel point donné, en rive droite du Langonant - rivière de la commune dont les eaux rejoignent le Gier, puis le Rhône et la Méditerranée, alors que l’Onzon, rivière toute proche issue des mêmes collines, s’en va vers le Furan, la Loire, puis l’Atlantique - se stratifie de la sorte en un savant nuancier d’objets et de formes qui sont autant d’indices anthropologiques ; indices, pour partie estompés, qu’il serait, sans doute, téméraire de vouloir séquencer avec autant de subtilité qu’un ADN humain. Du moins, tellement l’attrait du lieu est saisissant, comment s’interdire de rêver ? D’ailleurs, depuis des générations, filles et garçons ou galopins du voisinage, tous avides d’escalades, n’ont guère bridé leurs élans juvéniles et, selon moult témoignages, ont pu mener là, sans plus de chichis, des sarabandes diverses et variées.

Changement d’époque : il fallait voir ! Capter le regard encore tout ébloui de ces trois jeunes adolescentes, lorsqu’elles vinrent tirer la sonnette de l’association sorbérane de promotion du Patrimoine et de l’Histoire (APPH) ! Au gré d’une de leurs paisibles incursions dans la vallée du Langonand, les trois copines étaient, à leurs dires, tombées sur des inscriptions tellement énigmatiques, pour elles, qu’elles en étaient encore stupéfaites. Photos à l’appui et sans plus aucun répit, les voilà donc parties à quérir un sésame auprès d’adultes, censés plus compétents, car il devait bien y avoir quelque part une clé à l’énigme qui, désormais, les hantait.

Las, le tour de table chez nos modestes historiens locaux, pour chaleureux qu’ait été spontanément leur accueil, n’est guère fructueux : nul ne sait trop de quoi il retourne, on n’est même pas certain que les inscriptions aient été découvertes à la Sarrazinière même ! A décharge des experts intéressés, il faut consentir que, parmi quelques autres menus détails, la localisation fournie par les exploratrices a été plutôt vague et que l’on peut échafauder une infinité d’hypothèses à partir de la mince indication de dates incertaines gravées sur un mur : 1889 et 1945, outre quelques « hiéroglyphes » abscons.

Le temps passe, sans que le Langonand (torrent quelque peu assagi), ni l’Artaud, son modeste ruisseau affluent (« ours » savant pourtant !), ne semblent avoir cure davantage de l’affaire. Sauf que la curiosité, virus discrètement contagieux, sans être, du tout, un vilain défaut, a l’art subtil de s’insinuer par-là où personne, ou presque, ne l’attendait plus. La suite du récit, une nouvelle fois parmi tant d’autres, le pourrait bien démontrer …

 

Sus aux Sarrazins, une toute autre histoire !

 

L’un des membres de l’APPH, l’association précitée, en fait auteur, par amusement, de ces quelques lignes, est loin de n’avoir que des qualités. Mais, trace d’une enfance où il fut tantôt en garde de troupeaux, l’un de ses défauts les plus saillants (une excessive tendance à ruminer - les mots, surtout ! - jusqu’au remâchage), peut s’avérer, par inadvertance, une qualité !

A peine débarqué à Sorbiers, il y a quelques années, le chercheur ruminant précité, en effet, n’avait-il pas remarqué, en approchant du museau la toponymie de ses nouveaux pénates, une Roche Sarrazinière ? Aposté là, sur la carte, en contrebas du village, juste au ras des lotissements dits de « La Sauzéat », ce toponyme lui avait paru singulièrement incongru. D’autant que son Pilat natal lui avait déjà offert de pénétrer à plusieurs reprises à l’intérieur de la Borne Sarrazine, un site difficile d’accès, au milieu des bois, vers Thélis-la-Combe.

Des roches Sarrazine ou des Sarrazinière, du reste, il y en a pour ainsi dire de pleins « chirats » dans la toponymie française, sans compter, à deux lieues de Sorbiers, la Sarrazinière de Saint-Etienne, siège actuel d’une maison de retraite. Sans compter, non plus, la bonne douzaine de sites repérés par Jean-Yves BIGOT (« Vocabulaire français et dialectal des cavités et phénomènes karstiques » - Mémoires du club de spéléologie de Paris et du club alpin – 2004) dans le Lyonnais ou le Pilat, y compris la Sarrazinière de Sorbiers.

Visiblement, la plupart des explications fournies à - propos d’un tel toponyme ne font pas grand cas d’un possible séjour des Sarrazins si ce n’est de fées qui passaient pour leurs épouses nocturnes. Bref, faisons table rase de ces hordes mauresques, auxquelles le fameux Martel aurait, dit-on dans nos livres scolaires, barré le passage avant de les réexpédier aux chrétiens wisigoths d’Espagne, qui ne les avaient qu’épisodiquement en affection ! Nous n’en disserterons davantage, tout de même, que pour mentionner les facéties prêtées souvent, dans nos campagnes, aux « petits sarrazïns » et correspondant, trait pour trait, aux travers attribués, ici ou là, aux elfes ou lutins, proches cousins, à n’en pas douter, des djinns, eux-mêmes génies familiers de certaines légendes islamiques.

Ainsi, tenez ! Bien avant qu’on ait inventé le réfrigérateur, les fermiers, après la traite du bétail, prenaient grand soin de mettre le lait au frais dans l’eau de leur bacha (abreuvoir, en gaulois). Pour peu que le lait ait tourné pendant la nuit, ils savaient, de suite, à qui la faute : « Encore un coup des petits sarrazïns ! ». Souvenez-vous, également : « Dans la ville nait un bruit, c’est l’haleine de la nuit… », voilà Victor Hugo, notre grand poète lui-même, tombé sous le charme des djinns (sarra-djinns !) …

Il me fallait à tout prix en avoir le cœur net, que venait faire là cette Roche Sarrazinière et à quoi pouvait-elle bien ressembler qui différât de « ma » Borne Sarrazine du Pilat ?

Vint l’automne 2019. Profitant du sommeil végétatif pour, au besoin, me frayer plus facilement un chemin, un certain jour de plein soleil, je mis enfin le cap vers l’orient de mon petit bourg. Je passai devant l’église de Sorbiers et poursuivis mon chemin par la rue du Briançon (toponyme qui fera, lui aussi, l’objet de ma rumination obstinée, mais un peu de patience, svp !) et fut très vite cornaqué par un balisage faisant mention de « La Sarrazinière » en alternance avec « Chemin du Vallon ».

Comme par magie, j’échappai au labyrinthe de sentiers d’un lotissement pour me retrouver sur un chemin de terre assez vite barré par un ruisseau. Le mince ru franchi, la vision qui s’imposa à moi, à main gauche, dès l’orée du bois, me marqua une fois pour toutes.

Alors qu’une imposante masse rocheuse, brunâtre, se profilait déjà dans les frondaisons entremêlées de feuillus plus ou moins sinistrés (par une tempête, sans doute), je distinguai l’accotement moussu et rectiligne d’une voie de pierres sèches. Elle-même laissait place, par-dessus le ruisseau, à un vieux pont

 

 

Voir photo n°1

 

 dont le plein cintre m’intrigua très fort.

En longeant le bief pour m’approcher au plus près du pont, je retins mon souffle et pris conscience de la fragilité de cet édifice, dont le rang de pierres les plus basses, se mirant dans le ruisseau, ressemblait à la mâchoire supérieure d’un cétacé après une sérieuse ablation de molaires ! Pour le coup,  l’idée ne me vint même pas d’enfreindre l’interdiction d’accès frappant ce viaduc et matérialisée par des rubans de chantier blancs et rouges. Avant de découvrir, plus tard, le somptueux rempart qui prolonge le pont, loin en amont et en bordure de ruisseau, il me tardait d’apprivoiser, de prime abord, la fameuse roche sombre tout en me gardant bien autant que possible, de l’arracher brutalement à son pesant sommeil.

 

Une géante sculpturale des plus replètes

 

Entre la grotte que j’avais pu examiner, en photographie, à l’inventaire du BRGM et « l’oreille », à l’orifice gargantuesque, qui s’offrait à ma curiosité, rien de commun ! Ni dans leur apparence ni dans leur… aura. Une simple évidence, en tout cas : tout s’opposait à ce qu’on les confondît en une seule et unique entité. Autant la première présentait une cavité très ordinaire, susceptible d’être comparée à certains spécimens dont regorgent les nombreux enrochements de la région, autant la seconde, sans trop exagérer, s’érige en vestibule de mystères orphiques! (voir photo 2).

 

 

 

 

On y grimpe, au sud, par les 7 marches d’un étroit escalier taillé à même le roc et bordé de rares cavités en arrondi (*2). Ensuite, le palier ménagé entre deux hautes parois, irrégulièrement garnies de niches minérales, se resserre sur un orifice à taille humaine, percé quadrangulairement. Celui-ci donne sur un tunnel dans lequel on se faufile aisément en progressant, le dos courbé, jusqu’à 8 m environ, avant un resserrement tel qu’on ne peut le franchir qu’à plat ventre… si jamais l’on prenait le risque d’aller plus avant ! De là, à la lumière d’une torche, on entrevoit, malgré tout, une grotte plus ou moins hémisphérique aux parois irrégulières, à l’extrémité de laquelle un nouveau tunnel parait s’ouvrir ; on dirait volontiers, si les orifices de la face ouest n’étaient pas tous plus ou moins obstrués, que la Roche, d’environ 16 m de diamètre, a pu, à un moment donné, être traversée de part en part, via le tunnel que l’on vient seulement de pénétrer par moitié. Configuration des lieux qui est probablement à l’origine de la légende locale persistante, faisant état d’un souterrain partant de là pour aller, dit-on, aboutir à Saint-Christo-en-Jarez (village perché 300 m plus haut et distant de 9 km !).

Impossible, au stade de cette première exploration, de repérer le moindre indice des inscriptions dont avaient précédemment témoigné les trois jeunes filles (Agathe, Julie et Olga) auprès de l’APPH. Mais, la Roche, tellement monumentale sous cet angle, offrait déjà tellement d’étranges singularités qu’il n’y avait pas lieu de taper du pied d’impatience, les « graffitis » viendraient en leur temps.

Un moment, le soleil, dont les arbres filtraient verticalement les rayons, dessina comme une parure granuleuse géante sur la face (est) bombée de la Roche, qui n’arrivait cependant pas à dissimuler, sous ses atours, des anfractuosités que, moi-même, je n’échappais pas à associer inéluctablement à de persistantes visions anthropomorphiques. La circonspection me dicta de prendre aussitôt des clichés

(v. photos n° 3 et 4) que je m’empressai, dans les jours suivants, de montrer à plusieurs personnes parfaitement dignes de confiance, de l’un et de l’autre sexe. Leur verdict, corroborant le mien, fut univoque et sans appel : « Bien que géantes, les formes repérées évoquaient bel et bien, non sans réalisme, certains organes spécifiquement féminins ».

 

 

 

Pleinement conscient que le modelé de cette face sud de la Roche était, pour une large part, le résultat d’une très, très longue érosion, je ne voulais surtout pas tomber dans le piège, sans autre forme de procès, d’attribuer la statue d’une telle Géante au ciseau d’un quelconque artiste de l’antiquité ou de la préhistoire. Pour autant, je ne pouvais me résoudre à expédier sine die toutes mes intuitions, si prégnantes, à l’incommensurable déchetterie des illusions passagères. Sans le tunnel ouvrant sur la face méridionale, je n’aurais, certes, pas « lu » avec la même acuité les ornements dont se parait la face orientale. Mais, voilà également que, levant les yeux un peu plus haut que les « formes », tantôt en creux, tantôt rebondies – grossièrement entrecoupées de cannelures verticales - de la Géante, j’aperçois, au sommet de la Roche, comme des pointes rupestres esquissant deux tétons trapus inégaux. Couronnant la « tête » et comme en surplomb de la « poitrine » de la Géante, ces deux appendices sommitaux pourraient bien, joints aux indices précédents, conforter l’image de ce qui, oui, m’apparait de plus en plus en plus comme l’apothéose minérale, aussi incroyable qu’ostensible, d’une Déesse-mère. Une représentation telle, est-on bien forcé de le reconnaître, qu’il en a déjà été décelé un certain nombre sur différents sites archéologiques dans le monde, avec des mensurations variées, mais le plus souvent nettement inférieures à celles de cette Géante-ci, dont la stature avoisine les 8 m de haut et les 10 m de large ? Ceci, étant précisé que les prolongements latéraux en arrondi, ornés également de quelques « symboles » diffus, doivent dépasser la bande centrale, chacun, d’environ 3 m ; ce qui, au total correspond au 16 m de l’évaluation proposée pour la longueur totale du tunnel décrit plus haut (celle de sa partie actuellement inaccessible ne résultant que d’une estimation).

Un chose cependant, après plus ample examen du site, est à reconsidérer :  vues par en-dessus, en bordure d’esplanade de l’épikarst, les deux « cornes-tétons » (ou supposées telles) de la « Déesse » s’avèrent nettement plus amorties qu’on ne pouvait en juger depuis le bas de la roche. Pour autant qu’elles eussent été volontairement « ciselées » jadis, il serait vraisemblable, alors, qu’avec l’usure du temps, l’abrasion n’en ait laissé subsister que les solides bases, rendues ainsi moins suggestives.

Sans quitter le registre théophanique entrouvert avec le thème des Déesses-mères, il est non moins important de tourner le projecteur (v. photo n° 5) sur un autre appendice rupestre monumental situé au-dessus de l’entrée du tunnel.

 

 

 

Le drapé minéral de l’objet, manifestement évocateur, est plus intriqué dans la partie haute de l’entrée qu’il n’y serait apposé sous la forme d’un encorbellement. Le caractère, là encore, très marqué symboliquement de la sculpture n’échappera à personne (ou presque) ; naturel ou artificiel, ce monumental organe phallique pourrait être jugé, par certains, comme un intrus dans les hypothétiques rites de fécondité présidés par une Déesse-mère. En effet, sans devoir faire appel à plus ample expertise en anatomie ni en psychanalyse, le genre s’avère, cette-fois, typiquement masculin, mais, à supposer que le « lingam » ait été façonné ainsi intentionnellement, est-ce tellement une surprise ?  N’est-il pas constant que les mythes de l’Androgynie comme de la Gémellité aient revêtu les formes les plus sophistiquées, depuis le Paléolithique ? Sous réserve d’une étude comparative plus fouillée, cela pourrait bien, dès lors, aiguiller l’interprétation du site vers des créneaux de périodes préhistoriques parmi les plus reculées.

Peut-être, pour avoir un subtil avant-goût d’un tel « numen » mythologique, nous suffirait-il de glaner chez l’archéologue Myriam PHILIBERT (Les Mythes préceltiques – Ed. du Rocher 1997 ; p.235) la remarque suivante : « Si la féminité se voit à l’honneur pendant le paléolithique et le néolithique, les pasteurs des âges des métaux veulent inverser la tendance et donner aux divinités masculines la primeur ». La même auteure (La Pierre – Ed Pardès 2004 ; p.23) va plus loin encore : « Si l’argile est mère de la pierre, le rocher s’arroge le droit d’être son père. Et des deux principes opposés quant à leur polarité, mais uniques, quant à leur nature, on en vient à leur progéniture. Oubliant le roc dominateur et premier, on s’intéresse à la roche ».

Ou encore, de la même veine : « dans la Nature, d’innombrables pierres s’offrent à la contemplation du sage en quête de matière première. La diversité crée la difficulté. Doit-on rechercher le sujet des sages parmi les roches sédimentaires, les roches magmatiques ou encore les roches métamorphiques ? Les unes sont féminines et lascives et les autres, masculines et vindicatives. Quant aux troisièmes, elles évoquent déjà de sublimes transmutations, des mélanges osés, montrant l’art de la Nature pour que l’homme s’en inspire ». Partant de là, selon A. LEROI-GOURHAN, « l’homme prend conscience de sa propre présence dans la représentation de ce qui n’est pas lui et tente une approche des mystères intérieurs que sont la sexualité et la mort ». La composition minérale du site, en l’occurrence, de par la géologie du « Stéphanien moyen » - v. définition et « carte géologique harmonisée du département de la Loire » sur ficheinfoterre.bergm.fr > RP56785-FR (pdf) – offre pareille opportunité (* v. schéma/stratigraphie de la Roche-Déesse-Mère, ci-après).

Disons-le : il serait hautement hasardeux de transformer en certitude ce qui n’est encore que la fragile trame d’une approche subjective. En revanche, dans l’intérêt de la recherche historique et archéologique, une telle moisson, de données empiriques aussi surprenantes, ne peut, en aucun cas, se satisfaire de la désignation laconique de « abri sous roche », tel que l’avait, certes, en bonne et due forme, répertorié le B.R.G.M. ; un B.R.G.M. au diagnostic rassurant, il faut s’en réjouir, (rapport p. 41 s.), puisqu’ aucun des 23 abris sous roche répertoriés dans la Loire ne semblait présenter de danger pour le public. 

L’abri de Sorbiers, celui, du moins dont la photo illustre le rapport du B.R.G.M., pourrait bien, du reste, n’appartenir qu’un type de grotte, peu profonde, mais d’aspect que l’on pourrait dire « classique » (v. cliché-copié n° 6).

 

 

 

Il s’entrouvre, en réalité, au bas de la face septentrionale de la Roche Géante qui abrite, par ailleurs, au midi, le tunnel déjà décrit. Les quelques minuscules perles blanches et bleues recueillies là, à fleur de sol des deux orifices opposés, auraient pu se révéler des artéfacts d’une insigne valeur scientifique, s’il n’avait été vérifié auprès d’un orfèvre qualifié qu’elles avaient été fabriquées dans du vulgaire polyester. Preuves tangibles, tout de même, que cet abri-là demeure un élément constitutif de la « base d’aventures », dont a déjà été soulignée la fonction ludique transgénérationnelle ?

Qu’on le sache : il existe, à disposition de tout le monde, sur le portail de communication de la mairie de Sorbiers, une liste des toponymes assortie d’un décryptage souvent très pertinent. La Sarrazinière y suscite le commentaire suivant : « Lieudit riche en légende. La roche du même nom abrita-t-elle des sarrazins en déroute ou des soldats romains à la recherche d’une source à capter pour l’aqueduc voisin ? ». Une fois solidement conjurés les sortilèges des « petits sarrazins », que penser au sujet des ouvriers de l’aqueduc, qui effectivement, au début de notre ère, dut franchir le vallon du Langonand quelques kilomètres un peu plus bas ?

On sait, de sources diverses, notamment grâce aux recherches très actives de la société archéologique Forez-Jarez et, en particulier, de son président, Jean-Claude LITAUDON, que, outre les vestiges qui subsistent encore de l’aqueduc du Gier (qui amenait à Lyon les eaux du Pilat), d’autres vestiges adjacents sont à signaler, en plusieurs endroits sur le même parcours. Sondages de terrains, esquisses de tracé abandonnées ou autre ? Encore difficile à dire, à l’heure actuelle. Cependant, on comprendrait mal que les ingénieurs romains aient prescrit le perçage du tunnel de la Roche Géante, dont, à l’évidence, ils ne pouvaient attendre pour un sesterce d’eau potable.

Aux dires de certains, on ne pourrait totalement rejeter l’idée que de tels excavations soient les vestiges de mines à produire la chaux nécessaire au jointoiement des pierres de l’aqueduc. En l’occurrence, à quoi aurait alors été vouée l’entrée aussi perchée que théâtrale du tunnel situé en face occidentale de la Roche ?

C’est à l’avenir d’en dire davantage, au gré de fouilles officielles qu’il faudra bien, un jour ou l’autre, entreprendre.  

Mais il nous faut poursuivre, car, pour un peu, après nous être si longtemps attardés en compagnie de la Géante possiblement androgyne, nous avons failli ne pas honorer ses voisines de notre visite ! Alors, parlons-en, car, on va vite le comprendre, elles non plus n’ont rien d’anodin, bien au contraire.

 

Trois voisines ou parentes rupestres de la Déesse ?

 

En direction du nord, sur la voie ancienne empruntée depuis le pont, au-travers des branchages, à quelques dizaines de mètres, on atteint vite trois nouveaux enrochements, à peu près équidistants, d’aspect presque analogue à celui de la « Déesse-mère », bien que de taille nettement inférieure. Bien sûr, le regard fouille spontanément chacune des parois, dans l’espoir d’y déceler quelque nouvel indice d’ouvrage humain. Et, une telle appétence est de rigueur, car, là encore, les artisans, les chasseurs-cueilleurs ou l’on ne sait quels humanoïdes prospecteurs n’ont pas ménagé leur peine pour ouvrir d’autres abris sous roche de différentes formes et dimensions (v. photos n 7 et 8).

 

 

 

 

Sans se risquer trop vite à dater cette partie de chantier - dont on ignorera ad vitam aeternam jusqu’au n° de permis de construire ! – la qualité même du perçage de la roche laisse facilement supposer que les ouvriers étaient contemporains de ceux qui creusèrent le grand tunnel d’entrée du rocher que nous nous plaisons, a fortiori, à nommer la « Déesse-mère ». L’hypothèse d’une extraction, cette-fois ci, de grès à chaux, ne serait pas nécessairement à rejeter.  Cela mérite, bien sûr, d’être vérifié par des hommes de métier certifiés. Sans préjugé ni renoncement, non plus, à tenir serré notre fil d’Ariane !

Quant au fil du temps, quitte à vouloir le remonter toujours davantage, on serait, peut-être, bien inspiré d’aller explorer, à quelques enjambées de là, un peu plus loin que la Jalabertière, le plateau de Lavoué (commune de Saint-Chamond). La carte IGN au 25 000ième y fait mention d’un vestige remarquable, mais, il se pourrait que ce soit plus considérable encore. Le site est, certes, tout proche de l’aqueduc romain, mais certaines pierres, rassemblées sous un chêne après avoir été extraites d’un champ, ainsi qu’un étang, entouré d’une enceinte oblongue, pourraient bien, après inventaire, laisser émerger – pourquoi pas ? - le puzzle d’un ancien dolmen et de ses annexes rituelles (v. photo n° 9).

 

 

 

Quid des inscriptions du XIX ème siècle ?

 

Les inscriptions rupestres qui avaient beaucoup intrigué nos trois jeunes sorbéranes, sont, en fait, à découvrir sur une plateforme couronnant imparfaitement la Roche Géante.  Suivant la manière dont on aborde le site, il est donc tout à fait possible de tomber sur les inscriptions sans se douter de l’existence de la Géante-au-tunnel et vice-versa.

Ce fut, pour ma part, lors d’une énième exploration et en entreprenant de gravir toute la colline que je finis par tomber nez-à-nez avec L’Homme-à-la-Redingote (v. photo n° 10), le bien étrange gardien des fameuses inscriptions et, tout à la fois, leur hypothétique scribe mythographe.

 

 

 

 

 

Tout d’abord, en voulant observer, depuis la crète de la Géante, quel était l’aspect, en plongée, de l’entrée du tunnel, je découvris, à cru dans le sol de la roche, une mince fissure rectiligne d’environ 3 à 4 m de long. Cette ligne parait surplomber, pour partie, celle formée par le centre du tunnel précité et chose surprenante à son sujet : la boussole indique, au degré près, l’axe nord/sud. Cet axe, remarquons-le au passage, est perpendiculaire à celui de l’église actuelle de Sorbiers (sensiblement assise sur le site de l’église médiévale originelle et, comme celle-ci, dédiée à Notre-Dame de l’Assomption), située à environ 1000 pas ; distance qui pourrait bien correspondre à une lieue gauloise ou romaine et se trouver ainsi en rapport avec certaines données de « géographie sacrée » (v. Eric CHARPENTIER, Les Bâtisseurs du sacré – Des mégalithes aux édifices religieux – Mégalithes oubliés du Sud-Lyonnais – La Déesse-mère de Mornant ; Ed. Morel, Vienne 2020).  

Ensuite, plus à l’est, léger décrochement vertical du sol, d’environ 80 cm. On se laisse facilement glisser vers une plateforme qui se révèle, on l’a dit, le haut du chef de la Géante. Dissimulé dans la « chevelure » arbustive touffue de la « divine » couronne, on peut aisément contempler le verdoyant vallon du Langonant. La plateforme quasi ovale doit mesurer environ 30 m2. Se retourner, alors, de 180° et les voilà, nos belles inscriptions (v. photos n° 11 et 12) !

 

 

 

Trois nombres ou dates, disparates, de lecture facile, nous sidèrent : 1889 et 1945 et 68. Que voilà une préhistoire des plus tardives ! Impossible, sur le coup, de barrer la route à une pensée aussi banale que déprimante. Mais, très vite, notre imagination envoie une nouvelle salve de scenarii dignes d’une véritable machine à remonter le temps. Congédiant alors la fée du logis, on reprend patiemment la lecture d’autres inscriptions, en ne manquant pas d’implorer l’intercession du mythographe à la redingote. Sans sourciller, il parait lui-même nous interroger au sujet d’un XXI ème siècle, sur lequel, à tort ou à raison, il avait peut-être fantasmé en son temps.

On lit aussi des lettres majuscules disséminées sur toute la paroi :   B/A – C/J – C/V/J – H – L. (cf.photos …). Mais, ce n’est pas tout. Un symbole se trouve dupliqué, au moins à trois reprises ; une seule fois, entier ; deux fois, tronqué. C’est une croix ancrée, dont le référentiel symbolique n’a pas échappé à de nombreux groupements ou institutions. Cela va, entre autres, du christianisme des premiers siècles de notre ère à une décoration de la Marine nationale en passant par bien d’autres interprétations. Si ce n’est, également,  que le haut de la croix, doté d’un cercle, correspond, par ailleurs, à Vénus du signe zodiacal de la Balance, tandis que le bas ancré, en solitaire,  évoquerait certaines forces dont les âmes pures auraient, soi-disant, intérêt à se préserver ; autrement dit, le Diable en personne !

Tirer au clair l’origine de ces inscriptions pourrait prendre des mois… ou une éternité ! Néanmoins, il nous faut encore, pour rassasier notre curiosité, franchir non pas le Rubicon, mais le gué du Langonant (* 3), car, par là-haut, à-travers bois, nous avions aperçu d’autres « gros cailloux » qui faisaient leurs intéressants ! Au bout de la grimpette, en effet, à proximité de l’observatoire haut-perché des chasseurs couramiauds, plusieurs roches de volume imposant paraissent avoir, chacune, une histoire à raconter, très différente de celle de sa voisine.  

Par chance, nous entrons en conversation avec Charles N…, un habitant d’un hameau voisin (sur Saint-Chamond), qui est aussi un fin amateur du pays et de ses moindres recoins secrets : « Lorsque j’étais enfant (il parait aller vers la soixantaine), dit-il, les champs d’à-côté étaient cultivés par ma famille. Nous aimions courir autour de ces pierres. Celle-ci, nous la tenions pour la « Pierre Mayosse ». Une autre, plus bas, nous l’appelions la « Micaulau ». Vous allez bien la trouver, sinon, un de ces jours, passez me rendre visite, cela me fera plaisir. »

Examinons soigneusement la Mayosse (v.photo n° 13),

 

 

 

 

maintenant. Presque cubique, la bien nommée (« maousse » > lat. maximus = énorme) doit bien peser dans les quinze tonnes. La « colonne » brisée (v. photo n° 14) gisant à ses pieds en pèse au moins une. Cette dernière aurait-elle, un temps, fait corps avec le plat sommet de la Mayosse, on se le demande sans trop savoir où dénicher la réponse.

 

 

 

 

Puis, on va sillonner le flanc de la colline, en direction du sud. Sans s’éloigner à plus de cent pas, on découvre une roche « bizarre », qui pourrait bien être la « Micaulau » (v. photo n° 15).

 

 

Face au couchant, une entaille horizontale de plusieurs mètres lui donne comme une allure de tribunal, dans lequel on ne serait pas surpris de voir un Conseil des Anciens prendre place, en une époque post-glaciaire, voire antédiluvienne. Mais, à défaut de tout panneau d’affichage sur lequel dégoter l’ordre du jour des délibérations dudit Conseil, nous reprenons notre souffle, assis en position hiératique sur la banquette de pierre dominant un bosquet égayé par un concert de merles siffleurs.

Alors que nous ne savions pas du tout sur la margelle de quel puits nous pencher pour lui arracher la clé toponymique de la Micaulau, le doigt de notre ange gardien frétille en direction de la « Toile ». En émerge un personnage de fiction prêt à faire pampille avec le susnommé Charles, pourvu que celui-ci recouvre ses jeunes années de garnement : le petit « Micaulau », équivalent occitan du « Petit Nicolas », l’illustre BD des compères Sempé et Goscinny. Et voilà notre Micaulau transformée en « Pierre de Nicolas », celle à l’abri laquelle Saint-Nicolas aurait pu sauver du méchant Ogre trois petits malheureux transis. A chaque versant du Langonnand sa légende !

 

Ultimes pistes de toponymie

 

A fleur de mycélium – toponymique – où nous venons de cueillir une « Sarrazinière », il y a encore quelques spécimens que nous ne saurions exclure de notre panier. Ainsi, du nom de la rue que l’on emprunte, à la sortie du bourg, pour se laisser glisser vers la Sarrazinière : la rue du « Briançon ». C’est là, selon plusieurs chercheurs, la preuve de la présence, à proximité, d’une « citadelle ». Après la longue description que nous venons de faire de la Sarrazinière et de ses nombreux vestiges de rempart, on ne s’étonnera guère d’un tel voisinage linguistique.

Le mot « briançon » se rattache facilement, par ailleurs, à la divinité gauloise « Brigantia » (de berg, montagne), déesse de la médecine, de la poésie et de la forge. Son « petit nom », d’affection pour ainsi dire, est « Bergusia ». Elle était vénérée, avec Ucuet, son parèdre, par les métallurges d’Alésia. Mais, la Pierre Begusieux, près des Trêves, à Saint-Genest-Malifaux, pourrait bien être également un lieu qui lui était jadis dédié. A deux pas, les métallurges gaulois de Tiregarne (ancien nom de La Ricamarie), sinon les nautes de l’Ondaine (Ughden n’-est-il pas une variante irlandaise de Ucuet ?!), ne devaient pas méconnaître ce point d’altitude marqué d’une surprenante épiphanie minérale. Entre Brigantia et la Roche-Déesse-Mère que nous avons eu le bonheur d’apprivoiser à Sorbiers, a-t-il jamais pu s’ouvrir quelque abîme ? Non, vraisemblablement. Le hameau de la "Borgia", près duquel, sur Saint-Christo-en-Jarez, l'un des bras du Langonand prend sa source, en est, sans conteste, l'oronyme (toponyme lié à la montagne, 'oros' grec) témoin !

Enfin, une autre rue d’accès, par le sud-ouest, de La Sarrazinière, s’appelle : la rue du « Crépon ». Ce synonyme de « roche » est, selon Albert DAUZAT, à rapprocher de « crap », rocher. Entendu en ce sens, du Dauphiné à la Suisse romande et au Piémont, il signifierait « frisé » en Normandie, mais, là encore, associé au gaulois dunum, il marque un hameau, une agglomération … un fort. Il y a moyen de mettre tout le monde d’accord en soulignant que le crâne de Sarrazinière, lui non plus, n’est pas dépourvu d’une belle tignasse, dont les frisettes végétales s’égayent joliment au gré des saisons.

Pierre-Bernard Teyssier

(* 1) Dans son remarquable ouvrage, « Le réseau énergétique des lieux sacrés », Alain BOUDET, ingénieur de l’Ecole Centrale, Docteur en sciences physiques et néanmoins humble chercheur en quête de spiritualité, évoque un vaste réseau de lieux répandus partout sur la planète et savamment « reliés » entre eux : « Parmi ces sites, nous trouverons des paysages naturels aménagés tels que des rivières, des montagnes considérées comme sacrées et habitées par un esprit ; des complexes mégalithiques, composés de menhirs, de dolmens et de murs cyclopéens ; des tertres de terre et de pierre, pleins ou recouvrant des chambres ; des églises ou des châteaux, qui ont remplacé des bâtiments plus anciens ».

Etant donné le riche panel de fonctionnalités que la Sarrazinière nous a paru recéler, tant de par la morphologie du sol qu’au-travers de toponymes s’emboitant comme des poupées russes, à la périphérie, comment ne serions-nous pas tentés de laisser un tel site accéder à un rang plus qu’honorable dans la « grille énergétique » si bien décrite par Alain BOUDET ?

(*2) Fait singulier : une telle configuration, dans cette partie du site notamment, ressemble beaucoup, de par ses entailles, à ce qui apparait sur des photos de la « Chaire-à-Calvin » (Mouthiers-Sainte-Boëme – Charente), un site mégalithique - (classé M.H. en 1980), dont l’occupation humaine, selon les scientifiques, parait remonter, au moins, au Magdalénien moyen (env. 15 000 – 14 000 B.P.) ; des fouilles successives effectuées dans les 9 couches argilo-granuleuses du sol ont produit un abondant matériel datant d’époques successives ; toutes données, y.c. une « frise sculptée », visibles sur le site internet suivant :  https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Chaire-à-Calvin                    

(* 3) Langonand parait un tautonyme (nom de lieu dont les termes générique et spécifique ont la même signification), tiré de nant, qui, en toponymie française (et galloise) signifie tantôt « torrent », tantôt « vallée » - v. François FALC’HUN, Les Noms de lieux celtiques, Ed. Armoricaines, Rennes 1966 – p. 53 s. et 68 ; outre l’absorption possible de lan -ia, « plaine », voire replât - p. 80 s.

Quant à l’Artaud (qui rejoint en rive gauche le Langonand, quelques centaines de m. en amont de la Roche Sarrazinière), l’origine en est à rechercher dans le gaulois Artos, « ours » - v. Georges DOTTIN, La Langue gauloise, 1920, Ed. Slatkine Reprints, Genève-Paris 1985, p. 93 ; v. également FALC’HUN, op. cit. : ar : rivière (p.76) / artia : « oursière » (p.77). A en remonter quelque peu le cours, on est tout surpris de voir ce délicat ruisseau franchir, au plus près de sa source, des anfractuosités dignes d’accueillir dignement l’ancien roi des animaux, l’ours, qui, on le sait, précéda de longtemps le lion en ce rôle éminent.

On relèvera, au passage, qu’un autre ru, en provenance de Fontlorette et non nommé sur la carte IGN, rejoint, un peu plus haut que l’Artaud, toujours en rive gauche, le Langonand ; plutôt que d’avoir servi de miroir à quelque élégante égarée dans la forêt, c’est, sans doute, au vent (laur[i]a) que la source (fons, lat.) accorde, à cœur ouvert, ses plus doux murmures.

 



08/03/2023
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